Né juste après la guerre en 1920, j’ai fréquenté l’école de CERCIER jusqu’à mon certificat d’études (que l’on passait à 13 ans environ). Nous étions environ 60 élèves séparés en 2 classes. Les instituteurs étaient beaucoup plus sévères qu’à l’heure actuelle et les « claques » étaient à la mode. Mais l’enseignement était complet (au certificat, on avait beaucoup de connaissances dans diverses matières). Comme beaucoup d’autres, j’allais à l’école en culottes courtes été comme hiver et en sabots (nous n’étions cependant pas souvent malades !). Certains faisaient chauffer leur gamelle à midi vu l’éloignement du domicile.
Nous avions déjà une fête de Noël avec distribution d’un jouet par enfant (c’était souvent le seul que nous avions !) et une promenade scolaire, évènement extraordinaire qui nous faisait voyager. Je me souviens d’une promenade à Aix Les Bains qui, pour nous, était très loin.
Comme beaucoup d’autres également, j’ai quitté l’école après le certificat pour deux raisons :
Je me souviens avoir été embauché à la réfection de la route départementale entre Bonlieu et Allonzier. Je guidais mon cheval qui trainait un tonneau à eau destiné à arroser les graviers avant le passage d’un rouleau fonctionnant à vapeur. Je faisais le plein de mon tonneau « au Nant de la Trossaz ». Je gagnais environ 6.50 f de l’heure car j’avais le cheval tandis que l’ouvrier seul gagnait 3.80 F. Loin des 39 ou 35 heures actuelles, nous faisions 10 à 12 heures par jour.
L’électricité est arrivée en 1924 environ et l’eau dans les bassins des hameaux en 1926. Lors de la construction du captage de Dubourvieux, l’instituteur nous a emmenés voir les travaux. Nous étions plus intrigués par la couleur de peau de deux ouvriers (ils étaient noirs) que par le chantier. En effet, nous ne savions pas qu’il existait des personnes à la peau différente de la nôtre.
Il y avait dans les années 30, 3 téléphones à Cercier : 1 à la cabine publique au Chef Lieu chez Mr et Mme BERTHOUD (Maison Roset à l’heure actuelle), un autre chez Mr TISSOT, Maire de la commune à Cologny, un à la fruitière à Rassier
Pas d’embouteillage à l’époque : on comptait environ 3 voitures et 2 ou 3 motos. Tout se faisait à pied ou à vélo :
La commune possédait alors plusieurs commerces :
Tous les dimanches après la messe (très fréquentée à l’époque), les bistrots se remplissaient (quelques belotes, des chopines (33 cl) ou des bouteilles (75 cl), des discussions, des contacts, bref, ce qui nous manque de nos jours). Un bal avait lieu chaque année pour le 15 août dans l’atelier de Mr Lyard à Rassier. Il y avait beaucoup de monde ce soir là pour les valses, les tangos et les javas…
Mais tout n’était pas que fête, il fallait travailler dur pour vivre. Pratiquement tous les enfants participaient aux travaux de la ferme après l’école. Rares étaient les jeunes qui continuaient leurs études (privilèges réservés surtout aux enfants d’instituteurs). Presque tous restaient à la ferme. Je me souviens que mes soeurs Esther, Clémence et Marguerite furent placées soit chez un médecin, soit dans un commerce dès 14 ans.
Malgré le manque de moyens, il y avait dans beaucoup de famille, une place à table pour le mendiant (dit « le pauvre »). Il était aussi hébergé sur la paille au fond de l’écurie (il n’y avait ni retraite, ni maison de retraite pour accueillir ces gens).
Nos repas étaient confectionnés avec les produits de notre ferme et quelques achats dans les épiceries locales. Le vendredi, nous mangions « lo matafans » (beignets dont vous trouverez la recette plus loin). On achetait au début du mois une motte de beurre de 4 à 5 Kg, que ma mère faisait fondre et nous récupérions la « crache » dont nous raffolions. Le beurre ainsi fondu se conservait plus longtemps.
D’une manière générale, il y avait beaucoup d’entraide entre les familles. Si un malheur survenait dans l’une, les voisins assuraient le travail courant en plus du leur. Les « coups de mains » étaient gratuits et fréquents.
Je terminerai cette page de la vie à Cercier entre 1920 et 1940 par l’annonce de la 2eme guerre mondiale 39/45. Une grande crainte de la famine s’était emparée des habitants qui avaient dévalisé les commerces. Pour ma part, immédiatement après cette terrible nouvelle, j’ai du tuer un grand nombre de cochons la même semaine pour la réserve de lard de l’année (la viande était toute salée). Le marché noir est apparu. Malgré notre peur, nous pensions avec compassion aux habitants des villes moins chanceux que nous pour se nourrir.
(Souvenirs de Robert PERRON)
Le lait
Depuis la fin de la dernière guerre, la plupart des jeunes de Cercier restaient chez eux pour aider leurs parents à l’exploitation familiale agricole. Tout le monde avait des vaches,six en moyenne …
Les hameaux de Cologny, Rassier, la Trossaz et Dubourvieux livraient leur lait directement à la coopérative fruitière située à Rassier. Les villages du chef-lieu, Doret,Ravier, La Cour, ainsi que les familles Perron et Sage, situées route de Choisy, amenaient leur lait au pèse-lait du chef-lieu. Monsieur Albert Giller assurait une mène avec un char à bancs, tiré par un mulet, du chef-lieu à la Fruitière de Rassier. Chosal et les Goths, bien que faisant partie de Cruseilles, livraient leur lait à la Fruitière de Cercier parl’intermédiaire d’un câble (un système téléphérique de 1,2km), tout cela commandé depuis la Fruitière de Cercier. Les villages de Bellecombe et Chantepoulet livraient leur lait à la Fruitière de Chez Drillot, sur la commune de Cernex. Les villages de chez Papet et Falpot livraient leur lait à la Fruitière de Buaz, sur la commune de Choisy. Le village des Pratz livrait son lait à la Fruitière du Penet, sur la commune de Marlioz.
Les premiers tracteurs
A partir des années soixante, les choses commencent à évoluer autrement, c’est le début de la modernisation agricole, l’attelage animal (chevaux, bœufs) est remplacé par les tracteurs. Le premier tracteur américain (marque John Deere) a été acheté par François Baussand en 1947-48. En 1948, un tracteur français Vierzon a été acheté par Roset Frères, entrepreneurs de Battage. En 1949, ce sont des tracteurs Micromax (voitures transformées) qui ont été achetés par Jules Duret et Marcel Berthoud (celui-ci possédait déjà une moissonneuse-lieuse depuis 1929). Toujours en 1949, un tracteur (anglais) Fordson a été acheté par Perron Frères. En 1960, la plupart des exploitations possédaient un tracteur.
Les vergers
Les pommes et les poires ont toujours été très présentes à Cercier; les fruits étaient cueillis sur des arbres plein vent. Les variétés pour les poires étaient les poires curé et les poires Blessons. Pour les pommes, on trouvait des pommes à côtes et quelques canada.
Pour l’anecdote, Monsieur François Baussand avait récolté en 1947 15 tonnes de pommes à côtes (soit 520 caisses de 30 kilos). Ces récoltes de fruits procuraient aux gens de Cercier un rapport pécuniaire intéressant pour l’époque. En 1951, Messieurs Joseph Pricaz, Jean Chappuis et Henri Servettaz ont planté les premier vergers (Canada) et Joseph Pricaz a cultivé des Passecrassanes …
1955 : grosse extension. Monsieur Georges Dubois d’Annecy achète la propriété de Monsieur Marius Lacôte, située au chef-lieu. Il procède à un défrichage, sousolage, labourage et échange de terrains,etc … pour ne se livrer qu’à l’arboriculture.
Dans la foulée, création en 1963 de la coopérative Valfruit, avec une dizaine de membres fondateurs.Plusieurs agrandissements ont suivi.
Les fêtes
L’après-guerre a été particulièrement marquée par les kermesses sous la houlette des abbés Colliard et de son successeur l’abbé Nicollin. De nombreux stands, groupes folkloriques, fanfares et clowns animaient ces fêtes, ce qui expliquait un grosse affluence, du monde venant de tout le canton de Cruseilles et autres communes environnantes. L’argent récolté à ces fêtes était utilisé à la réfection intérieure de l’église. A noter, les splendides sculptures réalisées par Constant Demaison, de Choisy.
Principales réalisations communales de 1945 à 1970 :
Du temps du maire Alphonse Perron, en 1946 : réfection extérieure du bâtiment de l’église. En 1948 : rénovation de l’école et de la mairie … Du temps du maire Emile Lacôte: création en 1953 d’une route goudronnée partant du chef-lieu et desservant les villages de la Cour, Ravier, Bellecombe. En 1957, installation d’une station de pompage et agrandissement du captage pour fournir l’eau au village de Dubourvieux et la Trossaz. En 1958, rénovation du presbytère.
En 1967, on a procédé à la mise en forme de la route de Dubourvieux et en mai 68, pendant les grèves, au goudronnage.
Date à retenir: Fermeture de l’épicerie de Robert Perron et suppression du pèse-lait du chef-lieu au premier janvier 1970.
Les curés qui ont assuré leur ministère à Cercier à cette époque:
Abbé Colliard : | de 1946 à 1953 |
Abbé Nicollin: | de 1953 à 1963 |
Abbé Veyrat : | de 1960 à 1963 comme prêtre auxiliaire de 1963 à 1985 comme prêtre titulaire |
Propos recueillis par Robert Lacôte et Guy Lacôte.
La première trace de Cercier apparaît au Moyen âge, avec la présence de moines templiers au lieu-dit La Trossaz. Ils possèdaient une maison, un four et une chapelle dont il ne reste que deux arcs.
En 1605, Cercier comptait 56 feux, soit environ 200 habitants, vivant exclusivement de l’agriculture. Avant la Révolution française, les Cerciérois étaient 447. En 1860 la commune (685 habitants) a été rattachée au canton de Cruseilles. En 1896, la première fruitière du pays était ouverte, au lieu-dit la Cour. En 1912 s’ouvrait la fruitière de Rassier, avec 70 sociétaires, une « mène » du lait importante, et un câble qui remontait les boilles (bidons de lait) de Chosal. Malgré cela le nombre de Cerciérois diminuait, et approchait les 500 à la veille de la Grande guerre. Les activités agricoles se poursuivaient entre les 2 guerres. Vers 1930 on agrandissait la porcherie de Rassier. En 1988, inauguration d’un bâtiment qui abrite la mairie, l’école et 2 salles polyvalentes.
Après la fermeture de la fruitière de Rassier en 1983, le lait était porté à celle du Buaz (Choisy). Aujourd’hui le lait est ramassé par de grandes fromageries.
La population :
Nos recherches sur la population de la commune sont remontées jusqu’à 1857, date du plus vieux recensement que nous ayons retrouvé dans les archives de la mairie.
Voici le détail : au total 806 habitants dont :
A cette époque, étaient considérés sans profession tous les laboureurs, domestiques, journaliers, boulangers et ménagères.
Les principales professions étaient : charpentier, négociant, coquetier (personne qui achetait les oeufs dans les fermes et les revendait), tisserand, tailleuse (couturière), maçon, cordonnier, maréchal ferrant, instituteur, meunier, curé et charron.
Certains noms de famille de l’époque se retrouvent encore actuellement dans notre commune tel : Baussand, Berthoud, Blandin, Bocquet, Chappuis, Decologny, Dubourvieux, Duret, Excoffier, Figuières, Lacroix, Lacotes (qui deviendra Lacoste, puis Lacôte), Nicollin, Pellaz, Perron, Robert, Roset, Sallansonnex et Soudan.
Pour les recensements suivants, nous avons regroupé les informations connues sous forme de tableau :
Pour l’année 1906, nous avons retenu des détails plus précis concernant les tranches d’âges :
Tableau comparatif de la répartition de la population en 1911 et en 1990 :
Cultures et bétail :
Nous avons également retrouvé quelques renseignements concernant les cultures et le bétail.
En 1990, 25 exploitants agricoles cultivaient 550 ha (dont 100 ha de vergers).
Ces exploitations agricoles se répartissaient de la façon suivante :
630 bovins dont 300 vaches étaient recensés dans ces exploitations.
Actuellement le nombre d’exploitants ainsi que les surfaces ont peu évolué.
260 tonnes de fruits labellisés ont été produits en 1989. (Label Savoie : les mesures portent sur le rapport sucre/acidité naturelle des fruits).
En 1990, Cercier comptait 7 entreprises artisanales et 1 café.Enfin, sachez que la superficie de Cercier est de 1146 ha dont 270 ha de bois.
L’altitude est comprise entre 410 m (Pont Drillot) et 712 m (Dubourvieux).
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